« La musique est une caresse qui apaise et guérit. »

15.05.2023
L'humanité de cet artiste international lumineux rayonne partout où il exerce son art de violoniste. Attentif aux autres, il ouvre les portes de la musique aux plus démunis.
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours considéré qu’il était important de porter attention aux plus fragiles d’entre nous. C’est ancré en moi depuis longtemps. Je suis né dans une famille chrétienne et ma mère s’engageait beaucoup pour aider les autres. J’ai toujours considéré que la musique devait être partagée et écoutée par tous. C’est bien de le dire, mais c’est encore mieux de le faire. Un des premiers concerts que j’ai organisés dans ma région, à l’âge de 18 ans, était un concert pour les sansabri. Quand j’ai été nommé chef de l’Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL), j’ai souhaité que l’ensemble aille jouer pour les publics dits empêchés. C’est-à-dire dans des endroits comme des EMS, des hôpitaux, des prisons ou pour des associations qui aident les personnes en situation de précarité. Chaque année, des concerts de ce type figurent dans notre programme de saison. C’est important pour moi de les sanctuariser, de les inscrire dans notre action et que cela ne soit pas simplement de la communication. C’est mettre en forme ce que j’ai toujours considéré comme essentiel : la musique doit être pour toutes et tous, quels que soient les générations, les origines, les classes sociales ou les handicaps.

Pour moi, la musique soigne l’âme et le corps. D’ailleurs, en 2005, à peine mon archet avait-il effleuré les cordes du Vicomte de Panette, un Guarnerius del Gesù, que j’ai été saisi d’une sensation de bien-être immense. La sonorité de ce violon de 1737 me parle comme le ferait une voix intérieure. J’ai ressenti ses bienfaits pendant le confinement où j’ai terriblement souffert du dos. J’avais arrêté de jouer. Quand j’ai recommencé, j’ai eu l’impression que les ondes de la musique me faisaient physiquement du bien. Ce n’est pas pour rien que des machines créent le même type de vibrations pour les grands brûlés. Ce sont des caresses pour l’âme et sur la peau.

La musique de Mozart, Schubert ou Bach touche profondément les êtres humains. C’est rassurant et énergisant en même temps. Quand on joue pour des publics empêchés en prison, dans des institutions ou dans les hôpitaux, les réactions sont incroyables. Comme cette jeune fille qui hurlait d’angoisse depuis des heures et qui s’est arrêtée en m’entendant. J’ai aussi eu l’occasion
de jouer pour des enfants cancéreux. Dans ces cas-là, la douleur physique et psychologique est partout. On sent à quel point votre musique fait instantanément du bien. À la fois aux enfants malades, mais aussi énormément à leurs parents et aux aides-soignants. Ce que les mots ne peuvent plus faire pour consoler, la musique y parvient, comme une fenêtre ouverte sur un peu de soleil. J’ai aussi joué dans des maisons de soins palliatifs. Parfois, quelqu’un pour qui on a joué le soir meurt le lendemain, mais elle ou il a été apaisé le temps de nous entendre. Quand on sort de là, nos soucis prennent des proportions minimes. C’est à nous aussi que cela a fait du bien... »